Technologie
La compétition pour la suprématie dans le secteur des semi-conducteurs est en pleine effervescence, et les startups européennes se positionnent pour relever ce défi.
L’Europe abrite déjà des entreprises de renom dans le domaine des puces, telles qu’ASML, NXP, Arm et Infineon. Cependant, elle reste en retrait en matière de capacité de fabrication, produisant actuellement environ 10 % des semi-conducteurs mondiaux. En 2023, le Royaume-Uni a représenté seulement 0,5 % des ventes de puces à l’échelle mondiale.
Dans une lutte continue contre les géants des puces basés à Taïwan, en Chine et aux États-Unis, l’UE et le Royaume-Uni intensifient leurs efforts pour tirer parti de leurs atouts en recherche et développement ainsi qu’en conception de puces. L’objectif est de gagner un avantage concurrentiel dans le domaine des semi-conducteurs de nouvelle génération, un domaine où les startups du continent peuvent jouer un rôle crucial.
Innovations dans la conception de puces pour l’IA
Récemment, la startup londonienne Fractile a levé 15 millions de livres sterling lors d’un tour de financement pour son design de puce « révolutionnaire » qui promet d’améliorer l’inférence en intelligence artificielle. Ce processus consiste à utiliser un modèle d’IA préalablement entraîné pour analyser des données en temps réel et générer des résultats.
Fractile souligne que le matériel de puce actuel présente des limitations significatives, telles qu’une performance inférieure, des coûts élevés et une adoption réduite.
Pour remédier à cela, la startup a conçu une architecture computationnelle novatrice, avec des circuits capables d’exécuter 99,99 % des opérations nécessaires à l’inférence.
Un aspect clé de cette technologie est le calcul en mémoire, qui permet d’effectuer des calculs directement dans la mémoire, évitant ainsi le transfert constant de données entre la mémoire et les unités de traitement.
Fractile affirme que ses puces rendront l’inférence en IA 100 fois plus rapide et 10 fois moins coûteuse par rapport aux solutions actuelles, tout en réduisant la consommation d’énergie. Si elle réussit, l’entreprise espère offrir une alternative à Nvidia, le principal fournisseur de puces avancées pour l’IA basé aux États-Unis.
Ce tour de financement a également bénéficié du soutien du Fonds d’Innovation de l’OTAN.
Prendre de l’avance dans l’IA de périphérie
Un autre concurrent potentiel de Nvidia est Axelera AI. Fondée en 2021, cette entreprise néerlandaise développe des puces pour la vision par ordinateur et l’IA de périphérie, permettant le déploiement d’algorithmes d’IA directement sur des dispositifs locaux tels que des capteurs.
Axelera se spécialise dans des solutions d’inférence en IA basées sur sa technologie propriétaire de calcul en mémoire numérique et sur l’architecture RISC-V, un ensemble d’instructions open-source pour la conception de processeurs.
La startup affirme que sa plateforme Metis, qui combine matériel et logiciel, permet d’augmenter l’efficacité et la performance de trois à cinq fois.
En juin, Axelera a levé un nouvel investissement de 68 millions de dollars, portant son total à 120 millions de dollars. Ce tour de financement a inclus des investissements du Fonds du Conseil Européen de l’Innovation.
Avec ce nouveau capital, l’entreprise prévoit d’élargir son portefeuille de produits et de cibler des applications dans des secteurs tels que les centres de données, la robotique, la santé et les applications d’IA générative. Axelera vise également à s’étendre en Amérique du Nord et au Moyen-Orient.
Puces à base de graphène
Parallèlement, en Allemagne, Black Semiconductor développe une nouvelle technologie de connexion de puces utilisant le graphène, ce « matériau miracle » découvert en 2010 par Andre Geim et Konstantin Novoselov.
La startup affirme que sa technologie de puces à base de graphène répond aux lacunes des puces en silicium traditionnelles, notamment en matière de puissance de traitement et de consommation d’énergie élevée.
La technologie et le matériel de Black Semiconductor permettent des connexions optiques entre puces, accélérant ainsi la communication des données et permettant une interaction quasi unifiée entre les puces. L’entreprise prévoit également de réduire les coûts de fabrication grâce à un processus nécessitant 60 % d’étapes en moins.
Ces puces pourraient transformer des technologies telles que l’IA générative, les centres de données et les véhicules autonomes.
Black Semiconductor envisage de mettre en place une ligne pilote pour la production de 300 millions de puces à Aix-la-Chapelle d’ici 2026. Si cela réussit, l’intégration du graphène dans les puces à une échelle commerciale marquera une première dans l’industrie des semi-conducteurs.
Récemment, l’entreprise a levé 254,4 millions d’euros lors d’un des plus grands tours de financement jamais réalisés par une startup de puces européenne. Le gouvernement allemand a contribué à cette somme par le biais d’un programme d’aide d’État de l’UE, visant à soutenir la transformation numérique du bloc.