Évolution de la SADC : Vers un Parlement Régional
Le 11 juillet 2024, la République Démocratique du Congo (RDC) a marqué une étape importante en devenant le douzième État membre de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC) à ratifier l’Accord modifiant le Traité de la SADC pour transformer le Forum Parlementaire de la SADC en un véritable Parlement de la SADC. Cette ratification permet d’atteindre le quorum nécessaire pour mettre en œuvre cet accord.
Contexte et Adoption de l’Accord
Pour qu’un accord au sein de la SADC entre en vigueur, il doit obtenir l’approbation des trois quarts des 16 États membres. Cet accord a été adopté lors du 42ème Sommet de la SADC, qui s’est tenu en RDC en 2022. Ce développement récent implique que des travaux doivent commencer sur le Protocole établissant le Parlement de la SADC, qui précisera sa structure, ses fonctions et ses pouvoirs.
Un Retard à Rattraper
La SADC arrive tardivement dans la tendance de la « parlementarisation des organisations régionales », un phénomène déjà observé dans d’autres organisations comme la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) et la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), qui ont toutes établi des organes parlementaires à la fin des années 1990 et au début des années 2000. De plus, l’Union Africaine (UA) a créé le Parlement Panafricain (PAP) en 2001. En comparaison, la SADC n’a réussi à mettre en place qu’un Forum Parlementaire en 1997, qui n’a pas de véritables pouvoirs législatifs.
Vers une Meilleure Représentation Démocratique
Malgré ces retards, la création d’un organe parlementaire au sein de la SADC représente un progrès significatif, renforçant la légitimité et la démocratie de l’organisation. En tant que représentant des citoyens, le parlement pourrait rendre la SADC plus pertinente pour les populations locales, leur offrant une voix dans les affaires de l’organisation.
Ce parlement pourrait également améliorer la responsabilité en tenant les structures exécutives de la SADC responsables de leurs décisions et en surveillant l’application des traités et accords de la SADC. De plus, l’inclusion de parlementaires issus de partis minoritaires enrichirait le débat et la diversité au sein de l’organisation, qui est actuellement dominée par les exécutifs des États membres.
Objectifs et Limites du Nouveau Parlement
Selon un projet de protocole sur l’établissement du parlement, les objectifs incluent la promotion des droits humains, l’accélération de la ratification des traités de la SADC, et la recommandation d’initiatives au Sommet de la SADC. Cependant, il est préoccupant de constater que, d’après ce projet, le nouveau parlement régional ne disposera d’aucun pouvoir législatif, ce qui signifie qu’il ne pourra pas adopter de lois contraignantes pour les États membres. L’article 6 du projet stipule que le parlement « développera des lois modèles », qui, bien que non contraignantes, visent à orienter les États membres dans la réforme de leurs lois nationales.
L’absence de pouvoirs budgétaires limite également la capacité du parlement à tenir les institutions de la SADC responsables. Ainsi, sans pouvoirs législatifs ou budgétaires, l’impact du parlement régional sera considérablement restreint.
Recrutement et Représentation
Le projet de protocole prévoit que les membres du parlement de la SADC seront composés de cinq représentants de chaque parlement national, ce qui en fait un parlement indirectement élu. Bien que cela soit conforme à la norme dans d’autres parlements régionaux en Afrique, cela nuit à la légitimité démocratique de cette assemblée. De plus, la composition du parlement ne favorise pas une véritable représentation, car des pays comme l’Afrique du Sud, avec une population bien plus importante que celle de pays comme le Swaziland, auront le même nombre de représentants.
Ces faiblesses structurelles pourraient entraver l’efficacité du parlement régional. Si le projet de protocole est adopté lors du Sommet de la SADC à Harare et entre en vigueur, l’organisation manquerait une occasion de créer un parlement régional véritablement démocratique, capable de représenter les citoyens de la région.
Leçons à Tirer du Passé
L’expérience du Parlement Panafricain, qui a souffert d’un manque de pouvoirs législatifs et budgétaires au cours de ses 20 années d’existence, illustre les conséquences d’une telle structure. Également élu indirectement, le PAP n’a pas le mandat démocratique nécessaire pour représenter les citoyens africains. À moins que des modifications ne soient apportées au projet de protocole, la SADC semble sur le point de répéter les mêmes erreurs. Bien que le parlement régional soit une avancée par rapport au Forum Parlementaire de la SADC, il ne va pas assez loin pour garantir une véritable représentation démocratique.