BOSTON – Lorsqu’on lui a demandé comment l’intelligence artificielle évolue et quand une IA consciente deviendra essentielle dans le domaine de la santé, le Dr Patrick Thomas, directeur de l’innovation numérique en chirurgie pédiatrique au Collège de Médecine de l’Université du Nebraska, a souligné la nécessité de réformer la formation clinique.
« Il est crucial de préparer les étudiants en médecine à la réalité qu’ils vont rencontrer, » a-t-il déclaré lors du Forum sur l’IA dans les soins de santé de HIMSS jeudi dernier.
En animant un panel sur la manière de soutenir la main-d’œuvre médicale pour qu’elle fasse confiance et adopte l’IA – mettant en avant l’importance de la gouvernance, de l’implication humaine et de la responsabilité partagée pour maintenir la qualité de l’IA clinique avec les développeurs – Thomas a interrogé ses collègues sur la façon dont ils abordent le scepticisme et les doutes des cliniciens.
Parmi les participants à la discussion figuraient le Dr Sonya Makhni, directrice médicale de la plateforme Mayo Clinic, le Dr Peter Bonis, directeur médical de Wolters Kluwer Health, et le Dr Antoine Keller de l’Hôpital Général Ochsner Lafayette.
Élargir les ressources cliniques
Utiliser des modèles de langage avancés pour alléger les lourdes charges cognitives que subissent les cliniciens reste un défi, en raison de biais, d’hallucinations de données et de coûts associés.
Bonis a souligné que les développeurs d’applications devront probablement supporter les coûts de développement des systèmes, en plus des frais liés à l’innovation des modèles fondamentaux.
Keller a ajouté que le secteur de la santé dispose de plus d’informations que la main-d’œuvre clinique ne peut en assimiler.
« Nous manquons de personnel pour prendre des décisions cliniques précises en temps voulu, » a-t-il déclaré. Alors que les cliniciens se concentrent sur l’innovation des risques – en mettant en place des mesures de sécurité pour atténuer les préoccupations liées à l’utilisation de l’IA – il est essentiel de rassurer les cliniciens pour qu’ils adoptent ces technologies.
Keller, un chirurgien cardiaque, a décrit comment Ochsner Health, basé en Louisiane, fournit à ses partenaires de santé communautaire un outil amélioré par l’IA appelé Heart Sense pour favoriser les interventions.
En posant des diagnostics dans des communautés mal desservies grâce à une technologie peu coûteuse, cet outil d’IA « élargit géométriquement la main-d’œuvre, » a-t-il expliqué.
Améliorer l’accès dans les communautés défavorisées
L’utilisation de cet outil de dépistage cardiaque non seulement optimise l’utilisation des ressources d’Ochsner, mais concentre également l’attention sur les patients qui en ont le plus besoin.
Thomas a interrogé sur ce que signifie avoir l’IA influencer les soins lorsque l’organisation de santé ne dispose pas de scientifiques des données, et comment les partenaires de santé communautaire d’Ochsner comprennent et utilisent cet outil d’IA.
Il existe beaucoup d’hésitations, mais les communautés qu’ils servent bénéficient d’un accompagnement, a déclaré Keller.
« Il est nécessaire d’être présent et conscient des obstacles ou des problèmes que les gens rencontrent avec la technologie, » a-t-il expliqué.
Cependant, ceux qui reçoivent cette technologie dans des zones où il y a un manque de prestataires médicaux en sont reconnaissants, a-t-il ajouté.
Un des principaux critères de diagnostic – que les patients présentent un souffle cardiaque – est requis avant qu’un patient puisse subir un remplacement de valve aortique. Grâce à l’outil de dépistage alimenté par l’IA, le système de santé a découvert que 25 % des personnes de plus de 60 ans dans ses communautés présentent un souffle pathologique – qui peut être traité par une intervention chirurgicale.
« Les données de prévalence montrent qu’une grande partie de la population reste non diagnostiquée, » a déclaré Keller.
Utiliser l’IA pour identifier les patients à risque qui peuvent être soignés représente un avantage considérable pour traiter les patients avant qu’ils ne développent des dysfonctionnements irréversibles.
Cependant, l’acceptation dépend de la formation de la main-d’œuvre, a-t-il précisé.
« Visuellement – avec quelque chose de concret, » et facilement compréhensible même pour ceux ayant un faible niveau d’éducation, a-t-il ajouté.
Enjeux et responsabilité partagée
« Les enjeux pour les soins cliniques sont très élevés, » a reconnu Bonis, notant que garder un être humain impliqué dans les décisions cliniques est un principe fondamental dans le développement d’une IA fiable, en tenant compte de diverses nuances.
Bien que les cliniciens de première ligne ne soient pas toujours intéressés par les coulisses de l’IA, « du point de vue des fournisseurs, la prudence est essentielle, » a-t-il déclaré.
Pour Makhni, la question est de savoir comment établir un pont entre l’expertise tout au long du cycle de vie, a-t-elle dit.
La plateforme Mayo Clinic collabore directement avec les développeurs d’IA et la Mayo Clinic pour examiner comment déployer l’IA clinique de manière centrée sur l’utilisateur – « et ensuite communiquer ces informations de manière transparente pour responsabiliser l’utilisateur final. »
Une telle révision multidisciplinaire peut déterminer si un développeur d’IA a tenté d’évaluer les biais, par exemple, et cette information peut être transmise aux cliniciens de manière compréhensible.
« Nous rencontrons [les développeurs] là où ils en sont dans leur parcours, » mais l’objectif est de représenter les principes de sécurité, d’équité et de précision, a-t-elle ajouté.
Prendre en compte la fracture numérique et interroger les travailleurs cliniques sur leurs préoccupations est essentiel pour fournir des systèmes d’IA sûrs, et cette responsabilité ne peut pas reposer uniquement sur les utilisateurs.
« Parfois, cela doit également incomber au développeur de solutions, » a-t-elle déclaré. « Nous devons avoir une responsabilité partagée. »
Bien que le secteur de la santé ne résoudra pas rapidement tous les défis liés à l’IA, « nous pouvons adopter une approche mesurée, » a-t-elle conclu.
