Le lundi 19 août marque le début d’une autre grande convention politique à Chicago. Ce soir-là, les passionnés d’astronomie pourront admirer une pleine lune des plus « inhabituelles », car elle sera également — en dépit des enjeux politiques — une « Lune Bleue ».
Mais attendez une seconde, vous pourriez vous demander… n’est-ce pas une « Lune Bleue » qui est définie comme la deuxième pleine lune qui se produit dans un mois calendaire ? La pleine lune de ce mois tombe le 19 août et sera la seule pleine lune d’août 2024. Comment peut-on alors l’appeler « Lune Bleue » ?
En réalité, c’est bien une « Lune Bleue », mais seulement si l’on suit une règle désormais quelque peu obscure. En effet, la règle actuelle des « deux pleines lunes en un mois » a remplacé celle qui aurait permis de qualifier la pleine lune de ce mois de « bleue ».
La règle de l’almanach
La confusion sur la manière de désigner une pleine lune particulière comme « bleue » remonte au magazine « Sky & Telescope », qui a transformé un malentendu en une opportunité en affirmant que — bien que ce ne fût pas intentionnel — cela a modifié la culture populaire et la langue anglaise de manière inattendue.
Dans le numéro de juillet 1943 de « Sky & Telescope », une colonne de questions-réponses rédigée par Lawrence J. Lafleur faisait référence au terme « Lune Bleue ». M. Lafleur a cité ce terme inhabituel à partir d’une édition de 1937 de l’ancien Maine Farmers’ Almanac (à ne pas confondre avec The Farmers’ Almanac qui est toujours publié à Lewiston, Maine).
Sur la page de l’almanach pour août 1937, leur signification calendaire pour le terme « Lune Bleue » était donnée.
Cette explication indiquait qu’occasionnellement « … l’une des quatre saisons contenait quatre pleines lunes au lieu des trois habituelles. »
« Il y a sept Lunes Bleues dans un cycle lunaire de dix-neuf ans, » poursuivait l’almanach, concluant par le commentaire que, « dans les temps anciens, les créateurs d’almanachs avaient beaucoup de mal à calculer l’occurrence de la Lune Bleue et cette incertitude a donné naissance à l’expression ‘Une fois tous les trente-six du mois’. »
Une omission malheureuse
Mais alors que M. Lafleur citait le récit de l’almanach, il a omis un détail très important : Il n’a jamais spécifié de date pour la Lune Bleue.
Or, il s’est avéré qu’en 1937, elle est survenue le 21 août. C’était la troisième pleine lune de l’été 1937, une saison estivale qui a vu un total de quatre pleines lunes. Des noms étaient attribués à chaque lune d’une saison : par exemple, la première lune de l’été était appelée la lune du début de l’été, la deuxième était la lune du milieu de l’été, et la dernière était appelée la lune de fin d’été. Mais lorsqu’une saison particulière a quatre lunes, la troisième était apparemment appelée « Lune Bleue » afin que la quatrième et dernière puisse continuer à être appelée la lune tardive.
Alors, d’où vient la règle des « deux pleines lunes en un mois » qui est si populaire aujourd’hui ?
L’erreur de Pruett
Encore une fois, nous devons nous tourner vers les pages de « Sky & Telescope ». Cette fois, à la page 3 du numéro de mars 1946, James Hugh Pruett a écrit un article intitulé « Une fois dans une Lune Bleue », dans lequel il a fait référence au terme « Lune Bleue » et a cité l’article de M. Lafleur de juillet 1943. Mais comme Pruett n’avait pas de dates spécifiques sur lesquelles s’appuyer, son interprétation de la règle donnée par le Maine Farmers’ Almanac était hautement subjective. Pruett en est finalement arrivé à cette conclusion :
« Sept fois en 19 ans, il y avait – et il y a toujours – 13 pleines lunes dans une année. Cela donne 11 mois avec une pleine lune chacun et un avec deux. Cette seconde dans un mois, ainsi je l’interprète, était appelée Lune Bleue. »
Il est regrettable que M. Pruett n’ait pas eu un exemplaire de cet almanach de 1937 à portée de main, sinon il aurait presque certainement remarqué que son hypothèse des « deux pleines lunes en un mois » était complètement erronée. En effet, la date de la Lune Bleue du 21 août 1937 — comme c’est le cas en août 2024 — n’était certainement pas la deuxième pleine lune de ce mois !
La viralisation
L’explication de M. Pruett de 1946 était, bien sûr, une mauvaise interprétation et elle aurait pu être complètement oubliée si ce n’était pour Deborah Byrd qui l’a utilisée dans son émission populaire de la National Public Radio, StarDate, le 31 janvier 1980. On pourrait presque dire qu’à la suite de son émission de radio, la règle incorrecte de la Lune Bleue a « viralisé ». Au cours de la décennie suivante, cette nouvelle définition de la Lune Bleue a commencé à apparaître dans des endroits aussi divers que l’édition pour enfants du World Almanac et le jeu de société Trivial Pursuit.
Je dois avouer que j’ai même contribué à perpétuer ce nouveau phénomène de la Lune Bleue. Il y a plus de 40 ans, dans l’édition du 1er décembre 1982 du New York Times, j’en ai fait mention dans la colonne « New York Day by Day ».