La nécessité de visuels complique-t-elle les choses sur le plan computationnel ?

Effectivement, l’un des principaux défis auxquels nous faisons face actuellement est le volume de données. Nous réalisons des simulations impliquant jusqu’à 580 millions de globules rouges. Cela inclut les interactions entre le fluide et les globules rouges, ainsi que les interactions entre les cellules elles-mêmes et avec les parois des vaisseaux sanguins. Chaque modèle peut générer des données atteignant jusqu’à un demi-téraoctet pour un seul point temporel, et il y a des millions d’étapes temporelles à chaque battement de cœur. Cela demande une puissance de calcul considérable.

Votre équipe a-t-elle tenté de réduire les exigences computationnelles grâce à des outils d’apprentissage automatique ? Quels en sont les résultats ?

Nous avons récemment publié un article sur un système qui nécessite environ 10 minutes pour entraîner un nouveau modèle avec des simulations de flux pour chaque patient. Grâce à l’apprentissage automatique, nous pouvons prédire, par exemple, quel serait l’impact sur la pression artérielle si nous modifions le degré de sténose (c’est-à-dire le rétrécissement d’une artère). Les outils actuellement approuvés par la FDA prennent environ 24 heures pour s’entraîner pour un patient donné. Avec notre approche, il est possible d’obtenir des interactions en temps réel pendant que le patient est encore en consultation.

Quelle est la clé de cette avancée significative ?

Cette avancée repose sur la combinaison de l’apprentissage automatique avec un modèle physique simplifié. Nous avons déterminé combien d’options de traitement chirurgical il est nécessaire de simuler pour chaque patient afin de fournir des prédictions en temps réel. Nous utilisons des modèles unidimensionnels au lieu de nous appuyer sur des modèles 3D pour l’entraînement en apprentissage automatique. Cela consiste à effectuer des calculs le long de la ligne centrale du vaisseau sanguin, ce qui permet de capturer une structure 3D sans nécessiter l’intégralité des coordonnées x, y, z du flux. Cela génère moins de données, ce qui accélère l’entraînement. De plus, nous pouvons appliquer différents algorithmes d’apprentissage automatique, ce qui rend le processus plus rapide.

Cette amélioration a-t-elle un coût ? Quelles concessions faites-vous avec l’apprentissage automatique ?

Nous souhaitons toujours que nos résultats soient interprétables, surtout lorsqu’ils sont utilisés en milieu clinique. Il est essentiel que les médecins comprennent les raisons derrière leurs décisions et puissent interpréter les facteurs ayant influencé ces prédictions. Cependant, cette transparence peut être compromise lorsque le modèle devient une boîte noire. Actuellement, une grande partie de notre travail vise à comprendre l’incertitude. Quelle précision un capteur doit-il atteindre pour entraîner un changement dans la simulation du flux sanguin ?

Il existe également un risque de biais dont il faut tenir compte, notamment avec les capteurs portables. Une grande partie des données peut provenir de zones plus favorisées. Si nous ne formons notre modèle qu’avec des données provenant d’Apple Watch, obtenons-nous un échantillon représentatif de la population ? Il serait idéal de disposer d’un ensemble de données large incluant différentes tranches d’âge, genres, niveaux d’activité et comorbidités.

Que pourriez-vous réaliser avec toutes ces données ?

Avec des images médicales à jour pour le modèle 3D et des données de capteurs dynamiques et haute résolution, nous pourrions analyser des situations telles que : si une personne a subi une crise cardiaque à 65 ans, y a-t-il eu des événements notables à 63 ans ? Existe-t-il des moyens d’être plus proactifs et d’identifier des nuances dans le flux sanguin ?

La géométrie varie considérablement d’une personne à l’autre. Il est nécessaire de disposer d’une quantité massive de données pour déterminer les petites différences dans le flux sanguin et comprendre leur importance.

Quelles sont les limites de la simulation de la santé de cette manière ?

Je ne pense pas qu’il y ait des limites strictes, mais plutôt de nombreux défis à relever. Il y a tant d’éléments que nous pourrions intégrer, comme le système nerveux et le système lymphatique. Nous souhaitons rassembler des données provenant de divers systèmes, mais faire en sorte qu’ils interagissent dans des boucles de rétroaction est très complexe. Je suis convaincu que nous y parviendrons, mais cela nécessitera d’ajouter un système à la fois.

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