Malgré les avancées, l’ombre persistante de la violence raciale continue de compromettre les opportunités économiques pour les Afro-Américains aujourd’hui.
Alors que des rapports font état de taux de chômage historiquement bas pour les Afro-Américains et que l’on parle d’« emplois pour les Noirs » lors du débat présidentiel de juin, les échos économiques du racisme historique continuent de résonner aux États-Unis. Actuellement, les Afro-Américains subissent des taux de chômage plus élevés, des revenus plus faibles et une pauvreté plus profonde par rapport aux Américains blancs.
Les injustices passées se manifestent de manière particulièrement frappante dans les disparités économiques qui persistent dans les régions autrefois touchées par les lynchages.
Entre le 19e et le 20e siècle, les lynchages étaient répandus aux États-Unis, avec plus de 4 700 meurtres extrajudiciaires enregistrés entre 1882 et 1968, selon la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). L’assassinat en 1955 d’Emmett Till, un adolescent de 14 ans dans le Mississippi, a choqué la nation et a galvanisé les débuts du mouvement des droits civiques.
Les conséquences économiques des lynchages
Ces actes horribles continuent d’influencer le paysage économique de nombreux comtés où les lynchages ont eu lieu. Aujourd’hui, l’héritage des lynchages nuit aux perspectives économiques des Afro-Américains, limitant leur mobilité sociale et perpétuant un cycle de pauvreté. Ce n’est pas qu’une simple anecdote historique ; c’est une réalité actuelle soutenue par des recherches rigoureuses.
Comment le savons-nous ? Dans une étude publiée en juin dans Kyklos, mes collègues et moi avons examiné les niveaux d’opportunité économique pour les Afro-Américains dans les comtés ayant les taux de lynchage les plus élevés. La différence économique entre ces régions et celles sans histoire de lynchage est comparable à celle entre la Nouvelle-Orléans et San Francisco ; le revenu médian dans cette dernière est supérieur de plus de 170 %. Ce contraste est significatif, compte tenu de la réputation des États-Unis en tant que « terre d’opportunités ».
Des recherches antérieures ont également montré les effets durables des lynchages. Une étude de 2021 a révélé que les familles des victimes de lynchage continuaient de souffrir psychologiquement et économiquement des décennies plus tard. « Nous sommes passés de la prospérité à la pauvreté du jour au lendemain », a déclaré la fille de 77 ans d’une victime aux auteurs de cette étude. La même année, une recherche publiée dans Health & Place a examiné l’espérance de vie dans 1 221 comtés du sud des États-Unis et a constaté qu’elle était inférieure d’un an en moyenne dans ceux ayant une histoire de lynchage par rapport à ceux sans lynchages enregistrés.
Le principe selon lequel chacun, indépendamment de son origine, peut réussir économiquement grâce à son travail acharné est un pilier du rêve américain. Cependant, ces résultats révèlent une réalité différente pour de nombreux Afro-Américains, dont les perspectives économiques sont encore fortement influencées par l’héritage de la violence raciale et de la discrimination. La promesse d’égalité des chances reste insaisissable, soulignant la nécessité d’efforts continus pour remédier à ces inégalités profondément enracinées. Quelle est l’accessibilité du rêve américain lorsque des injustices historiques perdurent et ternissent les perspectives de prospérité d’aujourd’hui ?
Un contexte historique plus large
Pour comprendre la pauvreté persistante et les ravages laissés par ces meurtres et leur terreur de masse, il est essentiel de considérer le contexte historique plus large. L’urbanisation rapide et l’industrialisation qui ont eu lieu à partir de 1880 ont exacerbé la concurrence interraciale pour la terre, ainsi que pour la domination politique et économique au niveau local. La migration des Afro-Américains en quête de meilleures opportunités vers les centres urbains a accru les tensions dans ces communautés en mutation rapide. Les résidents blancs, craignant de perdre leur statut économique et social, ont souvent réagi par l’hostilité et la violence, y compris les lynchages. De plus, des pratiques discriminatoires telles que le redlining et la ségrégation professionnelle ont encore renforcé les inégalités économiques. Dans cet environnement volatile, les tensions éclataient fréquemment, renforçant le racisme systémique et les disparités socio-économiques pour des décennies à venir. L’après-midi du massacre racial de Tulsa en 1921, où une foule blanche a tué des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants et incendié plus de 1 250 maisons en deux jours, illustre la « dévastation financière » causée par la violence raciale et ses conséquences à long terme sur les survivants et leurs descendants. En raison des tensions interraciales et des lynchages, les familles noires étaient souvent contraintes de fuir leurs communautés, abandonnant leurs réseaux sociaux et perdant des actifs précieux. Ce déplacement a entraîné des difficultés économiques immédiates et a perturbé l’accumulation de richesse et d’opportunités éducatives sur plusieurs générations. Par conséquent, les descendants de ceux touchés par les lynchages se retrouvent souvent piégés dans un cycle de pauvreté, avec des opportunités d’avancement limitées.
En somme, alors que nous continuons à faire face à l’héritage du racisme aux États-Unis, il est crucial de reconnaître que les inégalités économiques que nous observons aujourd’hui ne sont pas seulement le résultat de politiques actuelles ou de conditions économiques. Elles sont également une conséquence directe d’une longue histoire de violence raciale et de discrimination qui a systématiquement sapé les fondements économiques des communautés noires. Pour combler le fossé des opportunités, il est nécessaire d’adopter une approche globale qui reconnaisse et traite le contexte historique des inégalités économiques. Ce faisant, nous pouvons commencer à ouvrir la voie à un avenir plus équitable, où les ombres du passé ne dictent plus les opportunités du présent.