En 2020, alors que la pandémie de Covid-19 faisait rage, une autre épidémie, tout aussi préoccupante, continuait de se propager à travers les États-Unis. La violence armée a coûté la vie à 45 222 Américains cette année-là, établissant un triste record en matière de décès par arme à feu.
Chaque décès causé par une balle est le résultat d’un parcours complexe et tragique. Chaque Américain tué, chaque famille en deuil mérite une attention particulière. Jamais je n’aurais pensé être celui qui raconterait une telle histoire.
Je suis médecin urgentiste, propriétaire d’armes à feu, père et cousin d’un homme abattu. Si la National Rifle Association n’avait pas déclaré en 2018 que des médecins comme moi devraient « rester à leur place » et ne pas parler des conséquences de cette tragédie, je n’aurais pas abordé ce sujet. Pourtant, la violence armée occupe une place centrale dans ma vie. Je rencontre presque quotidiennement des victimes de violences par arme à feu, qu’il s’agisse de tragédies familiales impliquant des enfants, des adolescents ou des adultes.
S’attaquer à la violence et à la mort est une responsabilité pour quiconque a déjà dû soigner un blessé par balle, tenter des mesures héroïques dans une salle de traumatologie, prodiguer des soins minutieux aux blessés en soins intensifs ou admettre la défaite devant leurs proches. Je n’ai jamais ressenti une douleur plus profonde que celle de devoir annoncer à une mère ou à un père que leur enfant a été tué par une balle. Nous avons pratiqué et perfectionné la médecine fondée sur des preuves pendant des décennies. Il est temps d’appliquer la même rigueur à la politique de santé publique. En ce qui concerne les armes à feu, certaines preuves existent déjà.
En tant que médecin, je suis conscient des limites de la science. La recherche la plus fiable, du moins dans le domaine biomédical, repose généralement sur des essais cliniques randomisés, mais leur mise en œuvre pour l’élaboration de politiques est souvent impraticable. En santé publique, la meilleure alternative est l’expérience naturelle, où une juridiction applique une politique tandis qu’une autre, similaire, ne le fait pas, permettant ainsi aux décideurs d’observer les différences.
Le rapport de la RAND Corporation, intitulé La Science de la Politique sur les Armes à Feu, synthétise les recherches sur la politique des armes à feu aux États-Unis et s’appuie souvent sur ce type d’études pour éclairer son analyse. Ses conclusions peuvent être parfois peu concluantes, parfois faibles, parfois solides dans ses affirmations concernant les impacts des différentes politiques sur cette épidémie de violence armée. Cependant, son analyse met en lumière de nombreux leviers politiques que nos législateurs actuels pourraient, et selon moi, devraient mettre en œuvre rapidement aux niveaux fédéral, étatique et local. Les preuves indiquent que nous pouvons sauver des vies grâce aux mesures suivantes :
- Vérifications des antécédents par des revendeurs d’armes à feu agréés pour chaque achat d’arme
- Licences et permis pour les individus souhaitant acheter des armes
- Élévation de l’âge minimum pour tous les achats d’armes à 21 ans
- Lois strictes sur l’accès des enfants aux armes
- Périodes d’attente brèves
- Ordonnances de protection contre la violence domestique exigeant la remise des armes existantes.
Cependant, je pense également qu’il y a deux lois supplémentaires qui devraient être abrogées. Leur existence dans notre société devrait alerter les médecins, les défenseurs des droits et les législateurs.
Prescription Politique #1 : Abroger les Lois de Légitime Défense
Le 26 février 2012, Trayvon Martin, un jeune homme noir de ma taille et de ma corpulence, marchait dans un quartier de Sanford, en Floride, après avoir acheté un paquet de Skittles et une boisson. Il a été essentiellement suivi par le capitaine d’une patrouille de surveillance de quartier. Suite à une altercation — que le dispatcher du 911 avait conseillé d’éviter — Martin a été abattu d’une balle qui a traversé son cœur et ses poumons.
Tous les espoirs et les rêves de ce jeune homme, qui aspirait à devenir pilote, ont été anéantis par un homme qui a finalement été acquitté de meurtre grâce à la loi de légitime défense de la Floride, qui a créé une culture d’approche, de provocation et de meurtre. Cette loi a indéniablement contribué à la mort tragique de ce jeune garçon.